La cacherouth

Un dossier préparé par K. Acher
Mise à jour le

2012:
Lorsque la question de l'abattage rituel s'invite à la présidentielle

 

Suite à notre article précédent, nous voudrions revenir sur un article sur l'abattage rituel de Que choisir N° 500. Février 2012

Nous ne partageons pas le point de vue de Que Choisir de Février 2012 qui se penche sur l'abattage rituel toutes catégories.
On y retrouve pour la majeure partie les avis des adversaires "amis des bêtes", une analyse minimaliste des propos du Rabbin Fizons.
Quelques réflexions:

Faut il dissocier abattage hallal de la che'hita?
Le chohet est formé selon un usage centenaire à utiliser un couteau au fil sans accroc, à la lame acérée, et à un geste rapide, ce qui diminue lea durée et l'intensité de la perception de son geste par l'animal.
Il est agréé par ses maîtres, jugé sur ses qualités morales comme techniques. Il a appris son art dans des dizaines de livres et n'a reçu l'autorisation d'exercer qu'après avoir montré sa compétence.
Il se doit de réviser constamment et mettre à jour ses connaissances, et doit montrer régulièrement son ou ses couteaux au responsable religieux de l'abattage.
C'est vrai qu'il n'est pas obligé d'avoir lu Pasteur et le HACCP, ni les bonnes manières, mais qu'on ne nous dise pas que nos "sacrificateurs" ne sont pas formés.
Peut-on d'ailleurs parler de sacrificateur?
La mise à mort d'un animal destiné à la consommation n'a rien d'un sacrifice, en tout cas chez nous. Si le terme égorgeur n'était pas si terrible, on le préfèrerait au terme d'abatteur.

Dans un article de Pascale DUNOYER publié par l'Académie vétérinaire de France en 2008
http://www.academie-veterinaire-defrance.org/bulletin/pdf/2008/numero04/341.pdf
Il est relevé que les cas de non conformité sont presque exclusivement relevés dans la cadre de l'abattage rituel non juif:
Les non-conformités souvent relevées portent sur les points suivants
– non-respect des dispositions relatives à l’immobilisation de l’animal:
matériel non fonctionnel, inadapté à l’animal (veau dans le piège pour gros bovin), absence de matériel et donc de contention de l’animal, contention manuelle des petits ruminants;
– matériel et méthode d’égorgement inadaptés : couteau mal aiguisé, lame trop petite au regard de la taille du cou de l’animal, opérateur ne maîtrisant pas le geste d’égorgement et réalisant plusieurs allers et retours de la lame… ;
– suspension de l’animal avant l’égorgement (sauf pour les volailles pour lesquels cette pratique est autorisée) ou suspension de l’animal immédiatement après l’égorgement;
– sacrificateurs non agréés pour l’abattage selon le rituel halal;
– sacrificateur ne respectant pas les règles d’hygiène comme le nettoyage du couteau entre chaque animal, le lavage des mains…

Il est curieux que l'article de QC qui reprend in extenso certains passages de ce rapport ne mentionne pas la chute :

À ce titre, les débats ne devraient pas porter sur l’opportunité ou non de l’étourdissement mais sur les meilleures pratiques à mettre en oeuvre pour procéder à l’abattage des animaux, qu’il le soit avec ou sans étourdissement. Dès lors que le consommateur ou le concitoyen aurait la garantie que toutes les pratiques de mise à mort en vigueur respectent, à la fois les exigences cultuelles et les exigences de protection animale, les conflits devraient s’estomper.

Ceci dit, l'opposition à l'abattage rituel relève actuellement d'une certaine xénophobie, beaucoup plus que de la sensiblerie ou de la jurisprudence, et nous nous devons de faire front ensemble contre toute tentative d'interdiction.
Un consensus sur un abattage rituel "éthique" convenu avec toutes les parties prenantes devrait d'ailleurs être possible.

L'étourdissement du bétail avant abattage se fait essentiellement par pistolet à masse captive. C'est à dire un "coup de marteau" non pénétrant, qui assomme l'animal. Le traumatisme irréversible ainsi créé rend l'animal non cacher avant même abattage, car la lésion cérébrale occasionnée n'est pas compatible avec la survie de la bête. Or la loi juive exige un animal vivant et apte à vivre.
On comprend l'importance de la dérogation prévue par la réglementation européenne, et son acceptation par les autorités françaises.


Côté sanitaire:
Les règlements interdiraient la section de la trachée et de l'œsophage pour des raisons d'hygiène, à cause du risque de souillure septique des parties consommables.
On comprend l'incompatibilité totale de ces règlements avec les lois de la chehitah, qui consiste précisément en une section de la trachée et de l'œsophage...
QC souligne aussi qu'une telle souillure pourrait se produire lors de la bedika, examen anatomique des viscères, notamment à l'étage pulmonaire.
Sans minimiser ces risques, il faut rappeler la haute technicité requise d'un chohet qui fait que ce dernier risque reste exceptionnel.
Le parage, qui consiste à ôter les parties éventuellement souillées, permet de limiter ces risques sanitaires.
Toujours est-il que nous n'avons pas connaissance de cas d'intoxication alimentaire liée au mode d'abattage, pour des viandes cachères abattues en France ou ailleurs
Là encore, on comprend l'importance de la dérogation accordée par la réglementation.


Position d'abattage.
Il faut avoir visité un abattoir pour parler de souffrance animale et de stress.
Les gravures anciennes montrant ce qu'a été l'abattage en Europe durant le dernier millénaire montrent clairement que la douleur animale n'y a jamais été une priorité.
La priorité était plus à la sécurité des tueurs, et on le comprend bien.
L'abattage rituel sur une bête sur pied ne se faisait pratiquement pas; Soit à cause des dangers encourus par le personnel, soit du fait que le moindre mouvement de la bête peut invalider l'abattage à cause des faux mouvements du chohet et de son couteau. La position couchée sur le dos permet de ne pas appuyer sur le couteau, exigence de la loi juive.
L'abattage se faisait plus souvent sur une bête immobilisée au sol par quelques gaillards, parfois les pattes arrières liées voire soulevées pour limiter les mouvements.
L'abattage de la bête suspendue ne se fait pas en France, ni apparemment en Europe. Des abatteurs nous en ont parlé en Amérique du Sud. Il y a dans ce cas un facteur de stress évident, et surtout prolongé, selon la longueur de la file d'attente…
C'est pour éviter les risques au personnel, les faux mouvements qui invalident la chehita et le stress des animaux qu'a été inventé le "tonneau", dans lequel l'animal est retourné rapidement, son cou immobilisé en extension. Le geste du chohet n'en est que plus précis, plus rapide. Il est inconcevable que l'article de QC présente ceci "comme un acte de maltraitance parmi les plus graves".
La durée éventuelle de l'agonie n'a rien à voir avec cette technique, contrairement à ce que laisse sous-entendre l'enchaînement des phrases de l'article (Industrialisation du rituel)
L'occasion de se questionner sur la signification de la notion de "conscience" chez l'animal. Un guillotiné qui s'agite est-il conscient? Des mouvements réflexes après dans ce cas section de la moelle sont-ils reflets d'un état de conscience?
A quand la publication de références scientifiques sérieuses sur le stress animal?
L'agitation d'un animal après chehita est déjà décrit dans le Talmud, mais la viande est permise à la consommation dès la section par le chohet.

Libre choix et respect des exigences du consommateur.
Beaucoup se gargarisent du libre choix et du respect des exigences du consommateur. Ils ont même créé le besoin en agitant un sondage. (Les Français et l’étourdissement des animaux avant leur abattage, IFOP, 2009).
Compte tenu des réponses à ce sondage, le consommateur devrait donc savoir si son steak a été étourdi préalablement à sa mise à mort.
Le besoin a été créé, et l'on saute sur l'occasion.
Dans un sondage futur, nous demanderons
- Accepteriez-vous de consommer de la viande issue d’un animal abattu par un ouvrier séropositif?
- Accepteriez-vous que votre boucher ne vous prévienne pas de sa séropositivité?
- Accepteriez-vous de vous asseoir, de vous vêtir et de vous chausser avec du cuir issu d’un animal abattu sans étourdissement préalable?
- Pensez-vous qu'il est primordial qu'un candidat aux élections présidentielles agite ce sujet?
Et nous demanderons aux instances européennes de légiférer conséquemment.

Nous ne sommes pas économistes, mais avons déjà attiré l'attention sur un point important.
La viande cachère coûte cher. De très nombreux paramètres interviennent dans ce drame, et qui ne sont pas que liés à la cupidité des chevillards, des revendeurs ni même des rabbins.
Or il existe une alternative à la viande de boucherie débitée devant la cliente: les viandes congelées, déjà cachérisées (salées, rincées de tout sang).
Elles nous arrivent tout droit de Belgique, d'Irlande, de Pologne, de Roumanie, Hongrie, Bulgarie. Vive l'Europe!
Elles sont souvent moins chères, et bien moins chères que les viandes fraîches, même si le palais est perdant.
Autrement dit, nous n'avons de problème d'approvisionnement, et là bas, ils n'ont pas d'état d'âme devant l'argent qui rentre.
Lorsque la communauté musulmane aura découvert la filière, ce sont potentiellement quelques millions de consommateurs en moins pour le cheptel français, l'économie française. Saurez vous traduire ceci en terme d'emploi? En terme de recettes fiscales?
Saurez vous traduire en terme de réputation internationale la signification de l'interdiction de la chehita? En perte de passages d'hommes d'affaires, de vacanciers?

Références:
http://www.academie-veterinaire-defrance.org/academie/les%20lois.htm
Controverse sur l'abattage rituel (2001)
L'abattage rituel au microscope
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Interview de Mr Bruno Fiszon, Grand Rabbin, Metz, Cachère Magazine, 2003
Cas concret: Mesure de l'activité cérébrale chez les animaux abattus
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Comment améliorer le rendement de l'abattage rituel?
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Lorsque la question de l'abattage rituel s'invite à la campagne
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L'abattage rituel selon la loi Juive: le respect des animaux

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