La cacherouth

Un dossier préparé par K. Acher
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Cacher et sauf

Cacher et sauf: une autre forme de résistance
En 1936, Aharon Chazan avait 24 ans et avait décidé que, lors du recensement ordonné par Staline, il répondrait oui sur son formulaire à la question : «Croyez-vous en D.ieu ?»
De plus, il encouragea ses amis et connaissances à agir de même, expliquant que répondre «non» constituerait une profanation du nom de D.ieu.

Il savait qu’une telle attitude pouvait être sévèrement punie : incarcération, camp en Sibérie ou même condamnation à mort.

Il profita alors d’un mois de pause dans l’usine où il travaillait pour se rendre à Mézeritch et Berditchev où il pria devant les tombeaux du Maguid et de Rabbi LéviIts’hak.

Dans les synagogues, il ne rencontra pratiquement que des personnes âgées car les jeunes avaient depuis longtemps abandonné toute pratique religieuse.

Sauf un : Chalom Friedman dont les parents Ra’hel et Zouché se battaient pour maintenir la flamme du judaïsme. Leur maison était devenue un lieu de prière et leur hospitalité était légendaire. Ils n’envoyaient pas leurs enfants dans les écoles soviétiques et assuraient leur éducation juive dans la plus parfaite clandestinité.
Les Friedman accueillirent Aharon Chazan avec joie puis une idée germa dans leur tête.
Ils entrèrent en contact avec ses parents et, bien vite, l’affaire fut proposée : on présenta à Aharon la jeune fille de la famille, Léa qui était tout aussi déterminée que lui à rester fidèle au judaïsme, quelles qu’en soient les conséquences.
La date du mariage fut fixée au 14 juin 1937.
Bien que la plupart des mariages juifs furent alors célébrés dans la clandestinité à cause de la terrible atmosphère antireligieuse de l’époque, les Friedman invitèrent des centaines de convives, tout en sachant que nombre d’entre eux étaient des espions et présenteraient un rapport détaillé à la police secrète. La joie de ce mariage représenta un havre de lumière dans cette trop sombre période.
Une semaine plus tard, Zouché, le père de la mariée décéda mais ses enfants et son gendre décidèrent de perpétuer son enseignement et sa ligne de conduite en maintenant leur maison ouverte à tous les Juifs dans le besoin.

Peu après la naissance de Devorah, leur première fille, Léah et Aharon furent mis durement à l’épreuve : Aharon fut obligé de rejoindre l’Armée Rouge, à l’approche de la guerre.
Pour Staline, les soldats n’étaient que des pions, de la chair à canon et en perdre quelques milliers ou même quelques centaines de milliers ne représentait pas un problème de conscience.
Aharon, refoulant ses larmes, prit congé de sa femme et de sa fille, espérant les revoir un jour…
Aharon respectait strictement la cacherout. Après la première matinée d’un entraînement exténuant, tandis que ses camarades se dirigeaient, avec soulagement, vers la salle à manger, il erra dans les couloirs.
- Chazan ! Que fais-tu ici ? Va manger ! cria un des officiers qu’il rencontra.
- J’ai déjà mangé ! prétendit-il.
- Mensonge ! Viens manger avec moi !
Et Aharon fut obligé de le suivre. Ou leur servit deux énormes plats chargés de viande fumante et appétissante.
L’officier s’assit et se mit à manger avec un plaisir évident.
- Viens ! Mange ! C’est absolument délicieux ! s’exclama-t-il d’un ton presque menaçant.
Aharon se taisait, priant silencieusement que D.ieu le délivre de cette dangereuse épreuve.
- Mange ! hurlait maintenant l’officier. Ne cherche pas à déstabiliser notre glorieuse Armée Rouge en sabotant ta santé ! Si tu ne manges pas, tu recevras la punition que tu mérites !
Aharon répliqua qu’il ne pouvait pas manger car il souffrait de maux d’estomac. L’officier ricana : «Malade ? Tu n’es pas malade ! Mensonge !»
Et devant le silence d’Aharon, l’officier laissa éclater sa colère : «Va chez le docteur ! S’il te trouve en bonne santé, tu es bon pour la cour martiale et l’exécution immédiate!»
Aharon était terrifié. Bien sûr, il était en bonne santé et serait condamné à mort pour trahison. Que deviendraient sa femme et sa fille ?
L’hôpital ne recevait les patients que l’après-midi et Aharon en profita pour se donner toutes sortes de symptômes de maladie : il but énormément d’eau et se mit à courir de plus en plus vite afin d’augmenter son rythme cardiaque.
Le médecin l’interrogea sur ses prétendus maux d’estomac.
Aharon rajouta son «problème cardiaque» et son essoufflement.
Sans un mot, le médecin l’examina puis écrivit son diagnostic sur un morceau de papier, l’introduisit dans une enveloppe qu’il cacheta avec soin en lui demandant de la remettre à l’officier.
Persuadé que le pire était à venir, Aharon retourna vers l’officier et, le cœur battant, lui remit l’enveloppe.
L’officier se frottait les mains et ne cachait pas sa satisfaction de pouvoir faire passer un Juif devant la cour martiale.
Il ouvrit l’enveloppe, lut le papier et, furieux, sortit de la pièce en laissant la note sur la table.
Aharon y jeta un coup d’œil : «M. Chazan est en mauvaise santé et doit être réformé : il ne peut en aucun cas combattre dans notre glorieuse Armée Rouge !»
Dès le premier jour, Aharon fut ainsi libéré et put rejoindre sa famille.

(Depuis la chute de l’Union Soviétique, nombre des enfants et petits-enfants de Aharon et Léah sont retournés dans les anciennes républiques communistes et y sont devenus des Chlou’him, des émissaires du Rabbi de Loubavitch).

David Zaklikowski
www.chabad.org
traduit par Feiga Lubecki
http://www.loubavitch.fr/bibliotheque/recit-hassidiques/1461-une-autre-forme-de-combat

Un dossier préparé par K. Acher