La cacherouth Un
dossier préparé par K.
Acher
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Baba Salé et le vieux cho'het
Le cho'het
de la ville de Bouinan, proche de Boudnib, était originaire de Marrakech,
où il avait reçu ses diplômes des Sages de la ville, connus
pour la profondeur de leur étude et leur investissement dans le domaine
de la Torah.
Le cho'het était maintenant un vieillard honorable, honoré par
tous, qui avait de plus des liens d'amitié avec le Gouverneur français
de la région.
Un jour, les habitants prirent conscience que presque toute la viande qui
leur était proposée était "halak" (le meilleur
niveau de cacherouth) et qu'il n'y avait pratiquement jamais de bêtes
taref, en opposition aux constatations habituelles selon lesquelles il y a
peu de bêtes "cachères" et encore moins de bêtes
"halak".
Les chefs de la communauté prirent le temps d'examiner la situation,
et au bout de six mois arrivèrent à la conclusion que l'affaire
n'était pas simple, pas "halak".
Ils
se tournèrent vers Rabbi Israël Abouhasseira, le Baba Salé
(1890 - 1984), pour lui soumettre leurs doutes: comment est-il possible
que TOUTES les bêtes soient cachères et de surcroît "halak".
Baba Salé, qui était la plus haute autorité religieuse
de la région, convoqua le cho'het avec ses couteaux.
A l'examen, Baba Salé se rendit compte que les couteaux portaient des
irrégularités du fil et étaient donc impropres à
la chehitah. Tout en l'aidant à "refaire" ses couteaux, Baba
Salé l'interrogea sur les lois de la chehitah, qu'il connaissait à
merveille.
Il semblait qu'avec l'âge, le cho'het avait perdu la sensibilité
nécessaire à l'affutage des couteaux, et que de plus il lui
était devenu difficile de pratiquer correctement l'examen des poumons
et viscères qui suit l'abattage.
Baba Salé conseilla au vieux cho'het de se faire aider par le cho'het
du village voisin, qui était un élève de Baba Salé,
qui pourrait l'aider à préparer ses couteaux et à pratique
l'examen des viscères.
Le cho'het accepta, et la situation de la chehitah à Bou Inan revint
à la normale. Sauf qu'un jour, le vieux cho'het se sentit offusqué
de devoir avoir recours à un jeune cho'het: comment lui, un cho'het
expérimenté, formé à la grande ville, devrait
avoir à présenter son couteau à une jeune gamin d'un
village voisin?
Il cessa toute collaboration, et se remit à travailler seul.
Les chefs de la communauté se tournèrent à nouveau vers
Baba Salé, pour recueillir son avis et ses conseils.
Baba Salé leur conseilla de faire venir le jeune cho'het deux fois
par semaine, et de cesser de consommer la viande de l'ancien cho'het.
Lorsqu'il se rendit compte que les habitants n'avaient plus recours à
ses services, le vieux cho'het se mit en colère, et se tourna vers
son ami, le gouverneur, pour se plaindre que le Rabbin avait interdit sa viande
et du coup, lui avait ôté toute source de revenus.
"Et pourquoi donc?" lui demanda le gouverneur.
"Parce que je ne suis pas natif d'ici, alors que mon concurrent est un
enfant du pays, et de plus un élève du Rabbin" répondit
le cho'het avec toupet.
Le gouverneur était un peu ennuyé de cette situation, qui lui
échappait totalement.
"Ecoute mon ami. Je n'ai aucune compréhension dans le domaine
de la chehitah et des questions rabbiniques. Si tu m'apporte des attestations
de rabbins des grandes villes comme Fez, Meknès, Rabat ou Marrakech,
comme quoi tu es apte à la pratique de l'abattage rituel et que tu
es habilité à le faire, je m'occuperai de cette affaire et le
Rabbin sera puni, voire mis en prison.
Le cho'het partit à Fez, pour demander aux Rabbins de la ville une
attestation de chehita et une lettre de recommandation. A sa grande surprise,
ils refusèrent, en disant que son activité se trouvait dans
la circonscription de Tafilalet, où se trouvait le grand Rabbi Israël
Abouhasseira, et que lui, sans doute, lui procurerait toutes les attestations
dont il avait besoin…
Il reçut la même réponse de tous les rabbins et tribunaux
rabbiniques qu'il put consulter dans les grandes villes.
Au bout d'un mois de voyage, il rentra chez lui éreinté et déçu.
A l'évidence, le Rabbin Israël Abouhasseira avait envoyé
des lettres aux autres rabbins pour leur demander de le débouter.
C'est gonflé de cette certitude qu'il retourna chez le gouverneur,
pour lui dire que sur recommandation du Rabbin, aucun des rabbins des grandes
villes n'avait accepté de le soutenir.
"Mais, les rabbins des grandes villes ont accédé à
sa demande?"
"Oui, la preuve c'est qu'ils n'ont pas voulu attester de mes capacités
à l'abattage".
"Mais alors, cela signifie que nous avons dans notre région un
Rabbin d'une telle envergure que les rabbins des grandes villes l'écoutent?
Il est donc plus grand qu'eux! S'il t'a interdit d'abattre, il a certainement
de bonnes raisons. Sache que si tu continues à abattre c'est à
moi que tu auras affaire."
Le gouverneur fut tellement impressionné qu'il demanda à ce
qu'on lui présente ce Rabbin que tous les Rabbins écoutaient.
Il fut très impressionné par la personnalité de Baba
Salé, à qui il raconta toute l'histoire, et l'assura qu'à
partir de maintenant il se tiendrait à ses côtés pour
tout problème de respect de la Loi.
Traduit de "Saba Kadicha, Baba Salé"