La cacherouth Un
dossier préparé par K.
Acher
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Aux abattoirs.
(…) Le premier geste
d'un tueur qu'un camarade insulte est de détacher sa boutique (ceinture portant
ses couteaux). Un règlement jamais violé lui défend, quand il sort de l'abattoir
pour aller boire un verre de vin au cabaret, d'emporter avec lui sa trousse
à couteaux. Grâce à ça, on ne souvient pas d'avoir vu aux abattoirs une rixe
sanglante (…)
Cette honorable
pitié ne s'émousse jamais. Elle s'est ingéniée à épargner aux animaux qu'on
tue les appréhensions de la mort. Il y a longtemps qu'on a renoncé dans les
abattoirs aux procédés barbares de la tuerie paysanne.
Les chevillards
se servaient d'un appareil nommé merlin, dont on peut voir la représentation
dans le groupe de pierres que Mr Lefévre-Deslonchamps a sculpté pour l'entrée
principale des abattoirs. Le merlin ressemble à une canne directoire. La branche
de la pomme qui s'arrondit en corne de bouc est soigneusement chargée de plomb,
l'autre bec saille horizontalement percé comme une clé forée. Avec cet instrument,
le chevillard frappe le bœuf en tête, à la place où sur le front la plupart
des bêtes à cornes porte une étoile. Un seul coup suffit pour perforer le frontal,
assommer.
Mais il arrivait dans la pratique que parfois le plus habile homme pouvait manquer
son abattage. L'animal, effaré par le brandissement du merlin retirait brusquement
la tête; l'arme portait à faux, le bœuf fuyait, à demi assommé. En tout cas
son agonie était prolongée.
Un
boucher zoophile a cherché et découvert le moyen d'abréger ces souffrances inutiles;
l'appareil, qui de son nom s'appelle "masque Bruneau" a été adopté
par le ministère de la guerre, et il est imposé dans les grandes villes de France,
d'Allemagne et de Belgique, par les municipalités.
Mr Bruneau masque le bœuf dans la bouverie; il a soin de passer la courroie
qu'il fixe derrière les oreilles de la bête. De cette façon, la plaque s'applique
parfaitement sur le frontal.
A l'emplacement de la cervelle, ce masque est percé d'un trou assez large pour
qu'on puisse y introduire un boulon qui n'est guère plus gros ni plus long que
l'index. Le tueur, à qui la bête vient d'être amenée, place ce boulon dans
le trou du masque, puis d'un seul coup de maillet, il l'enfonce dans le crâne.
Le bœuf tombe, pesant comme un pan de muraille.
Par le petit trou que le boulon vient de percer dans la cervelle, on introduit
une longue baguette de jonc. A peine a-t-elle touché la moelle que le mouvement
convulsif des pattes s'arrête. L'animal déjà insensible est foudroyé.
L'usage du masque Bruneau est aujourd'hui presque général aux
Abattoirs.
Une
seule catégorie de tueurs demeureront réfractaires à son emploi: les sacrificateurs
israélites. Aussi bien sont ils de véritables prêtres, prisonniers de rite religieux
vieux comme la Terre Promise.
Il y a aux Abattoirs trois tueurs "consistoriaux". Lévy-Meyer, Blum
et Marcus Bernard. Un quatrième prêtre tue pour les juifs portugais qui suivent
le rite dissident dit "sephardi". Ces sacrificateurs n'assomment point: ils égorgent. Le bœuf qu'on
leur amène arrive la face découverte. Ils lui garrottent les pattes et, renversé
sur le dos, l'élèvent de terre au moyen d'un treuil de telle façon que l'animal
présente sa gorge. Alors le sacrificateur
s'avance. Il est armé d'un couteau carré du bout et qui d'ordinaire a une origine
sacrée. Celui de Marcus vient de Varsovie; un autre porte le nom de Wurtzbourg.
Avant d'être admis à tuer pour leurs coreligionnaires, les sacrificateurs ont
subi des examens. Il y a une épreuve pratique dite "examen du couteau".
L'aspirant doit prouver qu'il sait "trouver les brèches" [ébréchures
de la lame], égorger sans "piquer" [sans appuyer le couteau pour trancher],
sans toucher les os. Si par aventure sa lame heurtait la colonne vertébrale,
le bœuf serait profané [non cacher].
L'examen théorique a pour objet l'étude du poumon et des viscères.: Il faut,
m'a dit Lévy-Meyer, que notre main sache tout. En effet, dans la trouée sanglante
que son couteau vient de pratiquer, le sacrificateur enfonce le bras.
Il reconnaît au toucher, si l'animal n'est atteint ni de phtisie, ni de gravelle.
Il le saigne alors lentement, presque goutte à goutte. L'effroyable souffrance
de la bête dont l'agonie dure parfois plus d'un quart d'heure n'a pu déterminer
les dévots israélites à l'abandon d'une coutume qui répugne à notre délicatesse.
Il faut que le bœuf ait été saigné vivant
pour qu'il soit "viande kascher", c'est à dire pour qu'on lui imprime
sur la cuisse un cachet qui porte le nom du rabbin et la date de l'exécution.
Comme le sang est ici plus largement répandu que partout ailleurs, c'est de
préférence à l'échaudoir de Blum et de Lévy Meyer que les buveuses de sang se
donnent rendez-vous. Rien n'est moins
prouvé que l'efficacité de ce traitement barbare. Il paraît que le sang de bœuf,
voire tiède de vie, ne s'assimile point au nôtre. Il traverse l'estomac sans
enrichir le buveur d'aucun principe vivifiant; mais la superstition populaire
est plus forte que les affirmations des médecins. Il y a des mères qui amènent des petits enfants
nouveaux nés, et, tout nus, les plongent dans la "nivet", c'est à
dire la cuvette vers lequel le sol de l'échaudoir descend en pente. Jamais vous
ne ferez comprendre à ces bonnes femmes que leurs marmots retireraient tout
autant de profit d'un bain tiède et salé.
De même, les pâles anémiques qui le martin viennent tendre leur gobelet au sacrificateur
s'imaginent vraiment qu'elles boivent la santé à cette fontaine vermeille de
sang.
Le spectacle de ces libations est étrange, et quoi qu'on en ait, repoussant.
Ces jeunes femmes ont perdu dans l'habitude quotidienne le dégoût des premiers
jours. Il faut les voir, quand elles se penchent toutes pâles, vers le pavé
sanglant, qui éclaire d'un reflet pourpre leurs visages délicats.
(…)
La gravure
est beaucoup plus jolie que ça!!!! |
Notes.
Le débat sur la chehita ne date pas d'aujourd'hui, et était certainement
ancien lorsque l'auteur a écrit ces lignes.
Il est surprenant de le voir passer très brièvement sur "A
peine a-t-elle touché la moelle que le mouvement convulsif des pattes
s'arrête. L'animal déjà insensible est foudroyé.",
alors qu'il insiste sur "L'effroyable souffrance de la bête dont
l'agonie dure parfois plus d'un quart d'heure".
Nous ne sommes pas loin de penser que les soubresauts convulsifs durent parfois
aussi un quart d'heure et que "l'agonie" dure le plus souvent bien
moins qu'un quart d'heure.
Quant à la remarque sur la "coutume qui répugne à
notre délicatesse", on peut être sûr que l'abattage
version Bruneau ferait pâlir plus d'une âme sensible aujourd'hui.
L'auteur a bien "vu" quelques unes des conditions nécessaires
à une chehita cachère: un couteau sans ébréchure,
ne pas appuyer pour couper mais passer le fil de la lame sur le cou, ne pas
toucher la colonne vertébrale car cela rendrait le couteau ébréché
et invaliderait l'abattage, la lame carrée afin de ne pas transpercer
l'animal.
Bien vu encore l'examen anatomique post mortem des animaux et la recherche de
lésions pulmonaires. Il ne fait pas allusion à l'examen vétérinaire:
existait il à l'époque, ou consommait on encore la viande de bêtes
tuberculeuses?
Autre temps, autres
mœurs, disent ils.
Sauf que nos mœurs sont le Loi de D.ieu!
Un dossier préparé par K. Acher