Rabbi Hirsch Leïb approuva sa femme et ils se résolurent à
mener l'enquête dès le retour de Moché Noa'h de la Yéchivah.
C'est dire avec quelle impatience ils l'attendirent ce soir là. Son
père s'assit face à lui, comme tous les soirs, puis commença
à le questionner sur ses études de la journée. Il trouva
rapidement l'occasion de lui demander s'il avait un jour mangé quoi
que ce soit en dehors de la maison. Moché Noa'h répondit catégoriquement
qu'il avait toujours respecté la consigne maternelle de ne jamais
rien consommer chez des étrangers, et autant qu'il s'en souvienne,
il n'avait jamais, même étant petit, accepté quelque
nourriture de qui que ce soit: il ne goûtait que les nourritures préparées
par sa mère. Rabbi Hirsch Leïb ne se contenta pas de cette réponse,
et le reprit point par point. Il était malheureux de soupçonner
son fils et de pratiquer un interrogatoire de façon aussi déplaisante,
mais il était sûr que Rabbi Akiba Eigger avait vu juste: il
traqua le moindre des souvenirs d'enfance de son fils, ses amis, ses promenades.
Après deux heures de discussions, Moché Noa'h s'endormit sur
son banc, épuisé. Il se réveilla en sursaut peu de
temps après:
"Papa,
Papa, je me souviens maintenant de quelque chose! J'avais cinq ans, c'était
à Hanoucah, je sortais du 'Héder (de l'école) dans
le froid et la nuit, et à l'hôtel qui est en ville, il y avait
un mariage. Un des parents est sorti à notre rencontre et nous a
pressés de venir prendre un bouillon chaud, avec une part de poulet
..!"
L'interrogatoire était terminé.